Mannheim

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” Depuis plusieurs siècles, Fennrod se dressait fièrement au milieu des montagnes qui la protégeaient, telles un écrin de pierre.  Les modestes demeures de ses habitants s’y accrochaient telles de mauvaises herbes, mais le château qui s’élevait, adossé à la paroi rocheuse, avait fière allure. Il fallait grimper des centaines de marches avant d’atteindre le grand bâtiment par lequel on accédait à la forteresse.  De hautes murailles protégeaient l’édifice principal et une immense tour surplombait le gouffre au dessus duquel la forteresse avait été construite.

Dans l’une des chambres de la tour, assise à sa fenêtre, Isolde tentait de se remémorer ses cours de la veille. Elle remit replaça derrière l’oreille une mèche de ses longs cheveux auburn qui la gênait.  Les yeux perdus dans le vide, elle força son esprit à se concentrer sur le sujet qui l’intéressait. Soudain, un léger sourire se dessina sur ses lèvres : elle avait eu sa réponse. Il allait bientôt neiger. Comme à chaque fois qu’elle se servait du Don, elle ne pouvait s’empêcher d’être émerveillée, même lorsqu’il lui servait pour des sujets aussi triviaux que le temps qu’il allait faire.

La jeune fille faisait partie de l’école de Fennrod, la plus ancienne et la plus réputée de tout le continent. Le potentiel d’Isolde s’était révélé si important que Malvina Luan, la directrice, lui avait permis d’intégrer l’école avant l’âge requis de douze ans. Les parents d’Isolde, Penn et Thilde Fenngard, étaient originaires de Fennrod et n’étaient que de modestes bergers : ils avaient laissé partir leur fille de bon cœur vers cet avenir plus brillant que le leur.

Isolde se rappelait toujours avec émotion la première fois où sa mère s’était aperçue de son Don. Elle-même en était pourvue, mais elle ne pouvait que prédire le temps ou savoir si une des chèvres allait mettre bas. Ce jour là, la famille était attablée dans la pièce principale de leur petite maison, devant la cheminée où crépitait le feu que son père allumait quotidiennement les jours d’hiver. Sa mère, lassée des caprices d’Isolde, l’avait disputé car elle ne voulait pas terminer son assiette

-« Tu as toujours aimé la bouillie de légumes, s’écriait-elle, pourquoi cela serait-il différent aujourd’hui ? Mange, où tu iras au lit le ventre creux. »

Penn et Thilde n’étaient pas à proprement parler pauvres, mais la nourriture était quelque chose de précieux qu’il ne fallait pas gâcher. Ils ne manquaient jamais de viande grâce à leur élevage de chèvres, qui leur donnaient aussi du lait avec lequel ils faisaient du fromage, mais les légumes étaient une denrée rare. Thilde tentait bien d’en faire pousser dans leur petit jardinet, mais Fennrod était construite sur la roche et peu de végétaux arrivaient à s’y accrocher.  Alors, lorsqu’il y avait des légumes ou des fruits au menu, personne n’avait intérêt à faire le difficile.

La petite fille regarda obstinément son bol sans bouger. Soudainement, Thilde l’entendit dire « Méchante ! ». Elle regarda sa fille interloquée : cette-dernière n’avait pas ouvert la bouche. Elle l’entendit à nouveau s’exclamer « J’en veux pas ! » sans remuer les lèvres une seule fois. La mère avait alors compris que sa fille lui faisait parvenir ses pensées. Elle avait le Don et semblait être douée. Thilde se trouva bête de ne pas y avoir pensé plus tôt : Isolde avait les yeux si clairs que cela ne pouvait être que l’œuvre du Don. Quelques années plus tard, Isolde avait intégré l’école de la forteresse et il y étudiait depuis sept années.

Chaque matin, elle se levait avec le soleil, et après ses ablutions, rejoignait le petit réfectoire où les élèves et les professeurs prenaient leurs repas. Pour rejoindre le réfectoire, elle devait descendre de la tour où se trouvait sa chambre, traverser la cour, la plupart du temps enneigée, et arriver dans le bâtiment principal de la forteresse où se trouvait les salles communes ainsi que leurs salles de cours. La forteresse de Fennrod n’avait pas toujours été une école, elle avait été construite pour protéger les habitants du village en cas d’attaque. Cependant les conflits étaient tellement rares que progressivement, l’édifice militaire était devenu un lieu d’enseignement, sans que cela ne choque personne. […]”

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